Sur l'avenir du livre...

Publié le par Atma

Je soumets à votre lecture un article de Régis Debray publié  dans Le Monde du 6 mars. Etant la première à ne pas aimer lire de longs pavés sur un écran d'ordinateur, je compatis par avance, mais ce papier  traitant  de l'avenir  du livre non sans ironie, est fort intéressant... N'ayant pas le temps de commenter longuement  (peut être plus tard ), même s'il y aurait beaucoup de choses à dire, je ne vous cache pas que ces perspectives m'effraient.

     
"Dépoussiérer les livres

Curieux courriel. J'apprends l'existence d'une commission "Réformer la lecture, moderniser le livre", qui serait présidée par Marc Levy, assisté de Paul-Loup Sulitzer et de Michel-Edouard Leclerc. Créée, me dit-on, à l'initiative de l'Elysée, elle serait en passe de "finaliser" un certain nombre de propositions tendant à redonner, je cite, sa dynamique et sa compétitivité à "une branche industrielle passablement nécrosée qu'il convient de raccorder aux forces vivifiantes de la modernité". Show-biz et quick money. 

Un bon point cependant. Le prérapport épargne au lecteur les fastidieuses platitudes habituelles. Ici, c'est franco de port : "L'heure est venue de briser la croûte de contraintes anachroniques, de frilosités corporatives et d'interdits bureaucratiques qui condamne la chaîne du livre tout entière (auteurs, éditeurs, libraires, bibliothèques publiques) à une prompte faillite. Dépoussiérage ou naufrage, telle est l'alternative." Comme les auteurs affirment ne vouloir qu'un seul juge, le public, je ne crois pas leur porter tort en me faisant ici publiquement l'écho de quelques-unes de leurs recommandations.

1. Fin du dépôt légal. S'il est vrai que le livre sur papier relève du domaine des antiquités, et la Bibliothèque nationale François-Mitterrand du délire d'un pharaon républicain, la conservation des modes de vie anciens a ses limites. La notion de patrimoine aussi. Qu'une ordonnance de François Ier (1537) fasse encore loi à l'ère du numérique confine au grotesque. Feront désormais l'objet d'un dépôt obligatoire les seuls ouvrages qui répondent à une demande réelle du consommateur : la liste des meilleures ventes hebdomadaires de L'Express fera foi. L'offre de livres étant pléthorique, volatile et hétérogène, il faut des repères sûrs.

2. Les moyens de l'autonomie. Sur 16 millions de vieilleries conservées à la BNF, les trois quarts ne font l'objet d'aucune demande de consultation. Il y a dans cette masse d'actifs un lot de livres rares et précieux qui, ajouté aux estampes, cartes et photographies anciennes du site Richelieu, pourrait être utilement mis sur le marché (comme il y a des zoophiles et des pédophiles, il existe des bibliophiles). L'intérêt sera triple. Sanitaire : assainir des réserves d'imprimés où pullulent les agents de corruption chimique et biologique. Sécuritaire : réduire l'effectif des magasiniers, personnel syndicalisé, surpayé (1 000 euros mensuels ou plus), où prospèrent des étrangers souvent en condition irrégulière. Budgétaire : éponger les grandissants déficits de cet établissement public à la charge du contribuable.

3. La publicité audiovisuelle. Le livre souffre d'un défaut de visibilité médiatique et de reconnaissance sociale. Or la France est le seul pays d'Europe qui interdit la publicité des livres à la télévision. Il reviendra aux chaînes privées de remédier à cette anomalie. C'est le seul moyen d'assurer à nos best-sellers locaux, malgré le handicap de la langue, une présence sur le marché qui soit à la hauteur des Da Vinci Code et autres Harry Potter.

4. Abrogation du prix imposé. Limitant à 5 % le rabais autorisé sur ce produit, la loi Lang, typiquement corporatiste et n'hésitons pas à le dire d'inspiration soviétique, punit en fait le consommateur pour complaire à une profession protégée. Prix unique, parti unique, pensée unique : dût-on rougir de cette préhistoire, rappelons que cette mesure remonte à une époque où des communistes siégeaient au gouvernement. Il y a des stigmates à effacer, pour l'honneur du pays.

5. L'affaire Google. Imaginer que l'Europe pouvait et devait répondre à cette entreprise américaine qui entend numériser une quinzaine de millions de livres imprimés relevait d'un amour-propre désuet, quasiment souverainiste. Il est clair qu'un vague consortium d'établissements publics européens n'aura pas les moyens financiers de rivaliser avec le pionnier d'outre-Atlantique. Pourquoi ce dernier nous voudrait-il du mal ? L'Occident ne doit pas disperser ses forces, qu'il s'agisse de la lecture sur écran comme de la chasse au taliban. Il est temps de rallier le Google Book Search en même temps que les commandements intégrés de l'OTAN.

6. Mécénat d'entreprise. Vu les coûts croissants de la numérisation en mode texte du fonds dit classique, le recours au mécénat d'entreprise soulagerait les finances publiques. Plus d'une serait logiquement intéressée à attacher son logo à la version numérique d'ouvrages de qualité. Dassault, à Vol de nuit. Hermès (les écharpes), au Petit Prince. Pfizer (les molécules contre l'asthme), à la Recherche du temps perdu. Ou encore l'American Express, à Paul Morand.

Il est clair que, contrairement aux chauffeurs de taxi, éditeurs et libraires ne peuvent obstruer les avenues. Il y a donc lieu de croire que la vision poussiéreuse du monde propre à une profession du livre ankylosée par des siècles de mauvaises habitudes n'aura pas, cette fois-ci, le dernier mot.

Inutile de dire que cette perspective me fait frémir. Je souhaite bonne résistance à notre petit îlot de papier battu par les vents. Qui peut-on croire aujourd'hui ? Comment distinguer l'authentique de la contrefaçon quand toutes sortes d'incongruités se croisent sur la Toile ? Quand on prête à un président de la République un parler de loubard et qu'on voit tel Black du 93 lui répondre avec des imparfaits du subjonctif ? Tout va à l'envers. Plus de critère ni de garant. Le canular le plus évident est aujourd'hui chose plausible.  "




Publié dans Lectures

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T
(Dsl on ne peut pas éditer, râle pas ça fait monter ton blog rank :p) C'est un canular, Regis Debray a fait cet article pour montrer à quel point tout devenait possible avec notre gouvernement. On est tous effrayés en lisant ça et c'est seulement après qu'on se pose la question "est-ce vrai ou non?". C'est l'objet de l'article, ce genre d'information que l'on aurait tout de suite identifié comme étant une blague il y a quelques temps crée le doute de nos jours. Tout simplement parce que l'on sait maintenant qu'ils en seraient capables! Et ça ne serait même pas étonnant qu'ils prennent des mesures proches de celles qu'a inventé Regis Debray.
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T
Non c'est bon j'étais ailleurs, c'est juste que tu cites quelqu'un qui cite ça m'a perturbé ^^
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T
J'ai du mal à suivre, où est la citation et où est ton propos? C'est un peu mélangé non?
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T
Et bein... avec Leclerc, Levy et Sulitzer aux commandes, ce n'est pas gagné... :-/
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